... Bonne année! Comme vous pouvez le constater je suis vivante et je mange toujours. Je n'ai juste pas de temps pour publier ou photographier à la lumière du jour. Et sans temps pour moi, je n'ai pas d'imagination débordante non plus. Quand je revois certaines vieilles recettes de mon blog, j'ai l'impression que c'est une autre personne qui les a créées, je me demande où j'ai pu aller chercher toutes ces idées. Est-ce que les blogueuses culinaires s'essoufflent après 10 ans, un peu comme les rockers? Ou est-ce que tout simplement les 10 ans de vie dans un pays capitaliste, ou 1 an de télétravail ont eu raison de mon âme?
Tout ça pour dire que je n'ai rien inventé avec cette recette. Même que je l'ai piochée dans un bouquin de l'école de cuisine de Boston publié en 1946. En fait c'est mon homme qui en a eu l'idée. Il y a belle lurette que je ne peux pas manger plus de 2 cuillérées à soupe de ces choses-là sans être malade. Mais au final je n'ai pas regretté tout ce temps passé en cuisine.
Bon, j'ai changé quelques trucs sinon ce ne serait pas drôle. J'ai remplacé le lard gras par des jarrets de porc fumés. J'ai remplacé les navy beans par des pinto beans qui me restaient du 1er confinement. J'ai aussi ajouté un peu de sauce tomate et de jus de citron car j'ai trouvé au début que c'était un peu trop sucré. En cherchant sur le net après avoir réalisé cette recette, j'ai vu que je n'étais pas la seule à ajouter de l'acidité. On ajoute souvent du ketchup, du concentré de tomate ou du vinaigre de cidre. On est libre. En gros, j'ai compris que, pour être bostoniens, les haricots devaient être assez petits (navy beans la plupart du temps) et comporter obligatoirement du porc assez gras et surtout de la mélasse noire. Le commerce des esclaves au 18 ème siècle a fait de Boston un exportateur de rhum que l'on produisait en distillant de la mélasse fermentée. Donc n'essayez pas de remplacer la mélasse par un mélange de miel et de sauce soja pour faire un truc foncé, comme certains osent le faire avec la sauce barbecue. La mélasse, c'est le goût de l'Amérique profonde, de l'Amérique d'avant, celle qu'on ne voit pas sur la blogosphère culinaire française, celle des ginger molasses cookies tant aimés des personnes âgées. D'ailleurs sur le net je n'ai trouvé qu'une seule recette de baked beans en français, un truc de dingue.
En comparant les ingrédients des recettes anglo-saxonnes, je me suis aussi rendue compte avec horreur que plus personne de nos jours ne les faisait cuire au four mais à la mijoteuse. "Baked" ça veut dire cuit au four nom de Zeus! A croire que seuls une poignée de tarés de la bouffe lisent Kenji Lopez Alt, auteur du best seller The Food Lab. Kenji, un chef devenu papa - et demi dieu pour certains foodies comme moi - qui fait plein de tests scientifiques dans sa cuisine pour nous simples mortels, nous explique dans cet article pourquoi il ne faut pas cuisiner au crockpot que tous les Américains utilisent: il n'y a aucune caramélisation et par conséquent peu de saveurs se développent. On est en 2022, si on n'a pas de four en briques comme les pionniers dans nos modestes demeures, on peut tout de même trouver des cocottes en fonte Le Creuset ou Lodge à peu près partout, même dans ce désert de gadgets culinaires qu'est Spokane.
Si vous cherchez des photos de Boston baked beans sur le net, vous allez voir des choses bien plus pâlottes que la mienne. N'allez pas croire que j'ai triplé les proportions de mélasse. J'ai juste fait cuire très longtemps et j'ai enlevé le couvercle et rajouté de l'eau plein de fois. Mes photos ne sont pas top: j'ai poussé la caramélisation un peu à l'extrême, mais ça en vaut la peine au niveau du goût. A cause de mon appareil photo merdique qui ne prend pas de belles photos à la lumière artificielle (ou de son utilisatrice qui n'y connaît rien), vous ne connaitrez jamais la beauté fatale de ces haricots au moment de leur première dégustation, quand ils n'étaients pas encore cernés par des bouts d'os esseulés pas très sexy. C'est une recette qui se mérite. Il faut compter 24 heures entre le moment où on met tremper les haricots la veille et le moment où on les mange. Moi j'en fait une grosse platrée et ensuite je congèle. A vous de voir. C'est tellement bon que vous allez peut-être tout manger en deux jours.
Ingrédients:
- 750 g de haricots secs
- 2 jarrets de porc fumé ou un gros morceau de lard, poitrine ou bacon
- 3/4 de tasse de mélasse non raffinée (1 tasse = 25 cl)
- 5 c. à soupe de sauce tomate (ou 3 de concentré)
- 2 c. à soupe de jus de citron ou de vinaigre
- 1 c. à café de moutarde
- un peu de thym séché
- poivre et sel éventuel
Déroulement:
La veille, faire tremper les haricots dans une grande quantité d'eau. Le lendemain, égouter et rincer. mettre cuire les haricots dans un faitout avec de l'eau pendant 1 heure. Ne pas trop mettre d'eau car on va la garder. Egoutter en partie en réservant le jus de cuisson.
Mettre les jarrets de porc dans une cocotte en fonte ayant un couvercle. Si on utilise du lard ou de la poitrine, faire des entailles dans la couenne et la mettre dans la cocotte avec la couenne tournée vers le haut. Diluer la mélasse et la moutarde dans un peu de jus de cuisson des haricots et les verser dans la cocotte avec les haricots, le jus de citron et le thym. Poivrer mais ne pas saler. Ajouter l'eau de cuisson des haricots sur le dessus juste pour couvrir. Mettre le couvercle et enfourner pour 6 à 8 heures à 110° C. Jeter un oeil de temps en temps et rajouter un peu de jus de cuisson au besoin. La dernière heure, enlever le couvercle pour faire griller la peau du porc et colorer les haricots. Rajouter encore du jus de cuisson si nécessaire, les haricots ne doivent pas devenir trop secs. Racler le fond de temps en temps pour s'assurer que les haricots n'attachent pas. Les haricots sont prêts quand la sauce est bien épaisse et qu'ils sont bien foncés. On peut aussi faire cuire 5 heures au total et enlever le couvercle plus tôt et ajouter du jus au fur et à mesure que les haricots caramélisent.